Les connaissances scientifiques : Foire aux questions
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La chlordécone a-t-elle été épandue par avion ?
NON – La chlordécone était appliquée directement au sol, sous forme de poudre dispersée en cercle au pied des bananiers. L’épandage aérien, aujourd’hui interdit, fut principalement employé pour pulvériser des traitements contre les champignons.
Les victimes de la contamination aux Antilles présentent-elles les mêmes symptômes que les victimes du Képone aux Etats-Unis dans les années 70 ?
NON – En 1975, un accident industriel dans une usine de fabrication du Kepone, à Hopewell aux Etats-Unis, a provoqué une exposition des employés à de très fortes doses de chlordécone sur un temps très court : on parle d’exposition aiguë. Les employés présentaient des taux de chlordécone dans le sang (chlordéconémie) supérieur à 1 mg/litre de plasma. Ils ont alors développé plusieurs symptômes : par exemple des tremblements des bras et des jambes, des troubles de l’humeur, de l’élocution et de la mémoire récente, ainsi qu’une altération de la qualité du sperme chez les hommes. C’est le syndrome du Kepone.
Aujourd’hui, l’exposition à la chlordécone aux Antilles se fait principalement par voie alimentaire, à des doses beaucoup plus faibles sur un temps long. On parle d’une exposition chronique, qui présente également des risques mais qui ne seront jamais les mêmes que ceux du syndrome du Képone.
La valeur toxicologique de référence interne (VTRi) pour une exposition chronique est de 0,40 µg/litre de plasma, soit 2500 fois moins élevée que les taux correspondant à l’apparition du syndrome de Képone.
Est-il vrai que la chlordécone était déjà interdite en France hexagonale, avant de l’être aux Antilles ?
NON – La chlordécone n’a été autorisée en France que dans la culture de la banane pour lutter contre le charançon noir. L’autorisation de mise sur le marché (puis son interdiction) était valable tout le territoire national, mais n’a concerné dans les faits, que les régions productrices de bananes : la Guadeloupe et la Martinique.
Est-il possible d’éliminer la chlordécone de mon corps ?
OUI – La chlordécone s’élimine naturellement de l’organisme. La contamination provient essentiellement de l’alimentation : il est possible d’y remédier en éliminant ou réduisant les aliments qui exposent au polluant. L’adoption rigoureuse des recommandations sur les habitudes alimentaires permet de diviser par deux le taux de chlordécone dans le sang en 4 à 6 mois.
Il est dit que 90 % des Antillais sont contaminés par la chlordécone ; sommes-nous tous condamnés à tomber malade ?
NON – L’étude Kannari de Santé publique France (2013-2014) a effectivement montré que plus de 90 % des Antillais présentaient des traces de chlordécone dans leur sang. Cependant, cette étude montre également que 75 à 85 % des personnes présentent des taux inférieurs au seuil d’alerte, ce qui permet d’écarter un risque pour leur santé. La présence de chlordécone dans le sang ne signifie pas forcément qu’on est malade ou qu’on risque de l’être. C’est un signal d’exposition, qui doit conduire à agir pour la réduire.
La chlordécone s’élimine naturellement de l’organisme en adaptant son alimentation. En 4 à 6 mois, il est possible d’éliminer de moitié la quantité de chlordécone dans le sang, en l’absence de toute nouvelle exposition.
Début 2024, Santé publique France a lancé l’étude Kannari 2 afin d’améliorer les connaissances et encore mieux protéger les populations.
En parallèle, la Stratégie Chlordécone porte des programmes pour tendre vers le zéro chlordécone dans l’alimentation : dispositifs de dosage sanguin de la chlordécone et parcours d’accompagnement, programmes des jardins familiaux (JaFa), aides aux agriculteurs et pêcheurs, contrôles renforcés …
La chlordécone expose-t-elle à un plus grand risque de cancer de la prostate ?
OUI – L’INSERM a conclu à une relation causale probable entre chlordécone et risque de cancer de la prostate. Ce type de cancer est multifactoriel : l’âge, les antécédents familiaux, l’origine ethnique et l’environnement sont des facteurs de risque. Pour les expositions professionnelles aux pesticides, le cancer de la prostate est reconnu comme maladie professionnelle
Est-il vrai que les impacts de la chlordécone sur la santé des femmes sont encore trop peu connus ?
OUI – Les impacts de la chlordécone sur la santé des femmes sont encore insuffisamment étudiés, en comparaison avec les études sur les hommes. Des programmes de recherche sont en cours pour combler ce manque de connaissances, en particulier sur la fertilité féminine, les troubles hormonaux et les risques de cancers spécifiques. En ce qui concerne les impacts de l’exposition à la chlordécone sur la grossesse, l’étude TIMOUN, initiée depuis 2004, suit une cohorte de 1 068 femmes enceintes et leurs enfants. Cette étude a permis d’identifier un risque de prématurité associé à l’exposition à la chlordécone.
Existe-il une solution opérationnelle pour dépolluer les sols, mais qui est trop coûteuse pour que l’État mette en place les moyens nécessaires ?
NON pas encore – Certaines pistes sont prometteuses en laboratoire mais n’ont pas encore fait leurs preuves en conditions réelles sur le terrain et à grande échelle. De nombreux travaux de recherche sont financés par la Stratégie Chlordécone.
Tous les sols de Guadeloupe et de Martinique sont-ils pollués ?
NON – La zone à risque concerne 1/5 (soit 20%) de la surface agricole utile en Guadeloupe et 2/5 (soit 40%) en Martinique. La surface agricole utile désigne l’ensemble des terres consacrées à des activités agricoles. En cas de doute, les analyses de sols sont gratuites pour tous. Des travaux scientifiques sont en cours pour modéliser la dispersion de la pollution dans l’environnement.
Est-il possible de cultiver des fruits et légumes sains sur sols contaminés ?
OUI – Il est tout à fait possible de cultiver des produits non sensibles et donc sans chlordécone, sur sols contaminés. Le transfert de la chlordécone vers les plantes est différent selon les végétaux. Il existe de nombreuses cultures fruitières et maraîchères qui ne sont pas sensibles à la contamination.
Un animal élevé en zone contaminée peut-il être consommé sans risque ?
OUI – s’il suit une phase de décontamination dont la durée est variable en fonction du niveau de contamination initial et de l’espèce. Il est possible d’adapter les techniques d’élevage pour éliminer les sources d’exposition à la chlordécone et décontaminer les animaux avant abattage.
Les œufs des poules peuvent-ils être contaminés ?
OUI – Les poules élevées sur sol contaminé produisent des œufs pouvant contribuer fortement à l’exposition. Dans ce cas, il est prioritaire de mettre la poule hors de contact du sol (poulaillers hors sol) et de l’alimenter avec des aliments non contaminés.
Est-ce que consommer de l’eau du robinet présente un risque de contamination à la chlordécone ?
NON – L’eau du robinet fait l’objet d’une surveillance accrue et de dispositifs de traitements en cas de nécessité. Les usines de traitement associées aux captages les plus concernés en Guadeloupe bénéficient d’un contrôle sanitaire renforcé (arrêtés préfectoraux de 2004 et 2012). Le nombre de prélèvements a pu être multiplié sur les installations les plus touchées (jusqu’à 6 fois). Au cours des dernières années, la qualité de l’eau distribuée est conforme aux limites de qualité fixées pour les pesticides à plus de 99 % en Guadeloupe et à 100 % en Martinique.
L’État prend en charge le changement des filtres à charbon actifs à hauteur de 2 millions d’euros par an sur l’ensemble des stations concernées par le traitement contre la chlordécone.
En Guadeloupe, en 2024, deux non-conformités ont été relevées pour certains secteurs ; une alerte sanitaire a été diffusée pour informer la population et des bouteilles d’eau distribuées par le producteur d’eau potable (SMGEAG). Des mesures correctives sont mises en place au plus vite, confirmées par analyses de la qualité de l’eau pour s’assurer que l’eau peut de nouveau être consommée.
Vaut-il mieux boire de l’eau des sources naturelles dites de bord de route pour se protéger ?
NON ! – Les eaux des sources de bord de route ne font pas l’objet de traitements ou de contrôles sanitaires. Certaines sources sont très fortement contaminées à la chlordécone et peuvent dépasser jusqu’à 1000 fois le seuil de potabilité fixé à 0,10 μg/L. Elles ne doivent pas être consommées, pour la boisson ou la cuisson. Outre la pollution de l’eau par les pesticides, on y retrouve également de nombreuses bactéries pathogènes, notamment des bactéries fécales.
Puis-je me contaminer en me baignant ?
NON – L’exposition à la chlordécone se fait par voie alimentaire. La contamination par la peau est négligeable, le contact avec une eau contaminée présente donc peu de risques.
Est-ce que la cuisson détruit la chlordécone ?
NON – La chlordécone est très stable jusqu’à plus de 300 °C. En l’état actuel des connaissances, un légume garde la même contamination de chlordécone avant et après cuisson.
Pour me protéger de la chlordécone, dois-je tourner le dos aux produits locaux ?
NON – D’une part, tous les sols ne sont pas contaminés. D’autre part, toutes les cultures ne sont pas sensibles. De nombreuses cultures fruitières et maraîchères sont possibles sur sol pollué, sans risque de contamination.
Pour vous protéger de la chlordécone, tout en soutenant la production locale, achetez vos fruits et légumes, vos œufs, poissons et viandes dans les circuits formels et contrôlés pour une meilleure traçabilité.
Et pour cultiver votre jardin en toute sécurité faites appel à l’accompagnement du programme JAFA.
Pour acheter des produits des « circuits contrôlés » : dois-je aller uniquement en grandes surfaces ?
NON – L’État contrôle les aliments au stade de la production, de la commercialisation et de l’importation sur tous les circuits dits « formels » : producteurs, primeurs, étals de marché, « lolo », petite, moyenne et grande surface. Ces réseaux, déclarés auprès des autorités et réglementés, sont soumis à des contrôles sanitaires pour garantir leur conformité aux normes de sécurité alimentaire.
Est-ce que je peux cultiver mes propres fruits et légumes sans risque ?
OUI – à condition de réaliser une analyse de votre sol si vous êtes situés dans une zone à risques. De nombreux végétaux ne sont pas sensibles à la contamination et peuvent être consommées sans risque – même s’ils sont cultivés sur sol pollué (par exemple les arbres fruitiers, les tomates, les gombos, …). Le programme JAFA vous accompagne gratuitement pour faire le point sur votre terrain et, si nécessaire, déterminer quels types de cultures seront possibles.
Est-ce que je dois mettre des gants pour jardiner sur un terrain contaminé ?
NON – L’exposition à la chlordécone se fait par voie alimentaire. La contamination par la peau est négligeable.
Si les poissons se déplacent, les zones d’interdiction de pêche sont-elles vraiment utiles ?
OUI – Les zones d’interdiction de pêche sont établies selon le degré de contamination du milieu ; plus on s’éloigne des embouchures de rivières et des zones côtières, moins la pollution marine est concentrée.
Bien que les poissons bougent, on connaît leurs habitudes de vie : leur comportement de migration est statistiquement prévisible. Leur contamination dépend ainsi directement de leur habitat, de leur alimentation et de leur mobilité. Ces connaissances sur les espèces sont complétées de nombreux prélèvements en mer, confirmant ces délimitations par zone et par animal.
Vos questions sur le chlordécone en vidéos : les scientifiques répondent
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Quels sont les liens établis par la recherche entre la chlordécone et certains problèmes de santé ? -
Quel est l’impact du chlordécone sur une grossesse et le développement de l’enfant ? -
Le chlordécone est-il un perturbateur endocrinien ? -
Y-a-t-il de la chlordécone dans l’eau du robinet ? -
Quel est le pourcentage de la population ayant testé son taux de chlordécone dans le sang ? -
Les sargasses et le charbon actif peuvent-ils être utilisés comme dépolluants ? -
Quelle est la répartition des zones les plus contaminées par la chlordécone en Martinique ? -
Quels aliments, notamment les fruits et légumes, ont les taux de contamination plus importants ? -
Qu’est ce qui a remplacé le chlordécone dans la lutte contre le charançon du bananier ? -
Peut-il y avoir de la chlordécone dans la canne à sucre et ses produits dérivés ? -
Combien de temps faudra-t-il pour dépolluer totalement les terres contaminées par la chlordécone ? -
La décontamination des sols est-elle possible via la culture de certaines plantes ? -
Y a-t-il des solutions pour faire baisser le taux de chlordécone dans le sang? -
Quel est le temps de décontamination d’un animal d’élevage en plein air ?