Les connaissances scientifiques : Comment se protéger de la chlordécone au quotidien ?

Lorsque nous consommons des aliments contaminés, la chlordécone s’introduit dans notre organisme. Mais ce n’est pas une fatalité ! Il est possible de repérer et d'éviter les aliments à risque. Une alimentation sans chlordécone pendant 4 à 6 mois suffit à réduire de moitié la concentration de la molécule dans notre sang. Pour protéger notre santé et celle de nos proches, adoptons ces gestes de prévention au quotidien. Et il n'est jamais trop tard pour commencer !

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Il est dit que 90 % des Antillais sont contaminés par la chlordécone ; sommes-nous tous condamnés à tomber malade ?

NON – L’étude Kannari de Santé publique France (2013-2014) a effectivement montré que plus de 90 % des Antillais ont de la chlordécone dans leur sang, dont 15 à 25 % au-dessus de la valeur toxicologique de référence interne (VTRi)

Cependant, la présence de chlordécone dans le sang ne signifie pas forcément qu’on est malade ou qu’on risque de l’être. C’est un signal d’exposition et, en fonction des taux relevés, des actions sont menées afin de la réduire.

Pour ma santé

1 – J’identifie les aliments à risque

Toutes les cultures ne sont pas sensibles à la chlordécone : sur un terrain pollué, de nombreuses cultures de fruits et légumes ne sont pas contaminées.

De plus, tous les sols ne sont pas pollués, et les aliments se contaminent quand ils sont en contact direct avec un sol ou une eau polluée par la chlordécone.

Les aliments les plus sensibles sont

  • Les œufs
  • La viande (hors volaille)
  • Les légumes racines et tubercules
  • Les poissons et crustacés de rivière

Vaut-il mieux boire de l’eau des sources naturelles dites de bord de route pour se protéger ?

NON ! – Les eaux des sources de bord de route ne font pas l’objet de traitements ou de contrôles sanitaires. Certaines sources sont très fortement contaminées à la chlordécone et peuvent dépasser jusqu’à 1000 fois le seuil de potabilité fixé à 0,10 μg/L. Elles ne doivent pas être consommées, pour la boisson ou la cuisson. Outre la pollution de l’eau par les pesticides, on y retrouve également de nombreuses bactéries pathogènes, notamment des bactéries fécales.

ATTENTION : l’eau des sources naturelles est impropre à la consommation

De nombreuses sources sont contaminées, par divers polluants (dont la chlordécone) et des bactéries. La consommation de ces eaux, pour la boisson ou la cuisson, est dangereuse pour la santé.

2 – Je suis vigilant sur la provenance de mes aliments

Les aliments sensibles provenant de producteurs ou vendeurs non déclarés* ou issus de jardins ou élevages familiaux non testés, sont déconseillés car le niveau de contamination à la chlordécone est inconnu.

L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a formulé plusieurs recommandations.

La production et la vente de denrées alimentaires sont réglementées et doivent faire l’objet d’une déclaration officielle auprès des services de l’État.

J’achète auprès de producteurs et vendeurs déclarés et contrôlés

Les services de l’État contrôlent les aliments au stade de la production, de la commercialisation et de l’importation sur tous les circuits : producteurs, primeurs, étals de marché, « lolo », petites, moyennes et grandes surfaces.

Sav sa ou ka manjé, pou pa kontaminé (ko)’w

Je cultive ou j’élève après avoir gratuitement testé mon terrain

Le programme JAFA propose un accompagnement personnalisé pour faire tester votre terrain, votre source privée ou vos productions. Il permet de déterminer, en fonction des résultats, les cultures possibles et les autres solutions envisageables.

Analise sol la gwatui, sové santé aw

Je pêche en respectant les zones d’interdiction

La pêche en rivière est interdite pour toutes les espèces. Les niveaux de contamination des crustacés et poissons d’eau douce sont très élevés et il est fortement déconseillé de les consommer.

La pêche en mer est réglementée, avec des zones d’interdiction partielle ou totale en fonction des espèces, de leur lieu de vie et de leur alimentation. La contamination de l’eau et des organismes marins diminue quand on s’éloigne des sources de pollution, c’est-à-dire des côtes et des embouchures de rivières polluées. Les zones d’interdiction de pêche sont bornées par des balises en mer et sont visibles sur les cartes de navigation maritime SHOM.

Santé mwen dabo, mwen pa ka manjé prodwui la riviè

Fok ou konnèt ki koté ou kay péché pou pwéservé santé aw

3 – J’épluche généreusement mes légumes racines et cucurbitacées

En cas de doute sur la contamination, lavez les légumes racines et cucurbitacées (courgettes, giraumons, concombres) puis épluchez-les généreusement avant de les laver à nouveau.

Plichéi pli épé !

Est-ce que la cuisson détruit la chlordécone ?

NON. La chlordécone est très stable jusqu’à plus de 300 °C. En l’état actuel des connaissances, un légume garde la même contamination de chlordécone avant et après cuisson.

Focus : étude Kannari 2 – connaître pour prévenir

L’étude Kannari 2 a pour objectif de mesurer avec précision les niveaux d’imprégnation dans la population antillaise et d’identifier les principales sources de contamination actuelles. Elle fait suite à la première étude Kannari, lancée en 2013.

En combinant ces données à celles de l’étude ChlorExpo de l’ANSES, elle permettra d’évaluer et d’ajuster les recommandations sanitaires pour améliorer la prévention face au risque chlordécone.

L’étude ChlorExpo de l’Anses a pour objectif d’évaluer de façon précision le niveau d’exposition alimentaire de la population à la chlordécone. Elle prend notamment en compte les habitudes d’approvisionnement, de préparation et de cuisson des aliments.
En savoir plus

Est-il prouvé que la chlordécone s’élimine de notre corps ?

OUI – La chlordécone s’élimine naturellement de l’organisme.

La contamination provient essentiellement de l’alimentation : il est possible d’y remédier en éliminant ou réduisant les aliments qui exposent au polluant. L’adoption rigoureuse des recommandations sur les habitudes alimentaires permet de diviser par deux le taux de chlordécone dans le sang en 4 à 6 mois. *

*Emond et Multigner, 2022. Chlordecone : development of a physiologically based pharmacokinetic tool to support human health risks assessments. Archives of Toxicology. 

La chlordécone est un danger mais pas une fatalité

Les acteurs engagés